Le biocontrôle, fiction ou réalité future ?

« J’appartenais à une nouvelle sous-classe, qui n’était plus déterminée ni par le statut social ni par la couleur de la peau. Nous avons maintenant fait de la discrimination une science »

Le thème principal de Bienvenue à Gattaca est bien évidemment celui du biocontrôle, permis par la manipulation génétique in vitro.
Extrapolation des dernières découvertes génétiques, le film est basé sur une citation du prix Nobel de médecine James Watson, qui a reçu le prix en 1962 avec Wilkins et Crick : "Nous avons longtemps pensé que notre futur était dans les étoiles, maintenant nous savons qu'il se trouve dans nos gênes ". Ces trois Nobel sont ceux qui ont découvert la double hélice de l'ADN dont la symbolique se retrouve dans le film au travers de l'escalier hélicoïdal de l'appartement de Jérome Eugene Morrow.
Bienvenue à Gattaca, alimente donc un véritable débat sur l’éthique des manipulations génétiques.
 
La question soulevée par Bienvenue à Gattaca :  Le destin est-il une question d'ADN ?

« Il reste déjà suffisamment d’imperfections. Votre enfant n’a pas besoin d’un fardeau supplémentaire »

A Gattaca, tout défaut physique est éliminé avant la naissance. La question se pose donc : L'avenir de l'homme peut-il être manipulé ? Elle se pose pour le futur mais pas seulement : avec des technologies comme l'échographie, les malformations peuvent être détectées dès les premiers mois de grossesse. Ainsi, la trisomie de l'embryon peut être rapidement connue et les futurs parent ont déjà le choix et la possibilité de continuer la grossesse ou pour la femme enceinte, d'avorter... Mais quelles seront les conséquences négatives d'un tel bouleversement ? C'est là tout le propos de Bienvenue à Gattaca : un enfant venu " naturellement " au monde peut-il espérer appartenir à la classe des élus ?

Bienvenue à Gattaca est là pour mettre en lumière les dérives possibles dans un futur qui n'est peut-être pas si éloigné que cela : si ce film a été classé à l'époque dans le genre de la science-fiction, il n'est pas certain que dans quelques années, il ne soit pas reclassé dans les drames.  Il est aussi là pour poser la question de l'acquis par rapport à l'inné : la génétique peut-elle définir qui nous sommes de manière ferme, peut-elle jouer le rôle du destin ? Y a-t-il un gêne pour tout, pour la violence, l'alcoolisme...? Ne peut-on lutter contre les probabilités ?

« Pour les êtres génétiquement supérieurs, le succès est plus facile à atteindre, mais il n’est pas garanti. Après tout, il n’y a pas de gêne pour le destin »

Vers une nouvelle forme de discrimination : fiction ou réalité future ?

A Gattaca, la discrimination se fait sur la base d'une simple analyse d'urine qui va orienter toute la vie des êtres de Gattaca. Une telle dérive est-elle réellement envisageable pour les années à venir où est-ce uniquement du domaine de la fiction.


Premiers pas vers un contrôle et une discrimination de la société par l'ADN ?

En France, la question de l'eugénisme est traitée par le code pénal, dans le Sous-titre II du Titre I du Livre II, intitulée « Des crimes contre l’espèce humaine » :
  • Article L 214-1 : « Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ».
  • Article L 214-3 : « Cette peine est portée à la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée »
Cependant, l’adoption de l'amendement Mariani en août 2007 sur les tests ADN pour le regroupement familial des immigrés dont les pays ne peuvent fournir des papiers inviolables, ne remet-il pas en cause cette loi ?

Cet amendement illustre en effet une évolution de la pensée politique et sociale et représente un repli sur la famille hétérosexuelle traditionnelle. C’est ce concept de parent forcément biologique qui ferme les esprits à d’autres visions de la société, comme  l’homoparentalité, l’adoption par une ou plusieurs personnes homosexuelles. L'identité ne se limiterait alors plus seulement au lieu de naissance, à la famille, mais à l’ADN.

Cet amendement annoncerait-il la fin de la famille au sens moral, la reléguant au sens génétique du terme ? Évoluerait-on vers du racisme du gène ?

La position française est ainsi plutôt ambiguë, si l'on considère également les obligations de dépistage (visites prénatales obligatoires), les facilités légales ainsi que l'encouragement à l'avortement lorsque l'enfant à naître présente des malformations : il s'agit manifestement de pratiques eugénistes, qui ne posent pourtant pas de problèmes sociaux.
Acceptera-t-on toujours de laisser le hasard faire son travail, ou profitera-t-on des connaissances scientifiques permettant de soigner des maladies héréditaires et de ménager un certain "confort génétique" à soi-même, à sa progéniture, ou à son clan ?

A l’évidence, si l’on considère le fait que de tels amendements soient acceptés en France, l’intrigue de Bienvenue à Gattaca n’en devient que plus plausible et le film prend alors tout son sens… surtout si l'on s'intéresse de plus près à l'histoire de l'eugénisme aux Etats-Unis, qui ont largement pratiqué l'eugénisme en stérilisant massivement les personnes "inaptes" et ce, jusqu'en 1972 ! Si aujourd'hui la stérilisation n'est plus possible puisque contre les libertés de l'Homme, il n'est pas impossible que la science trouve le moyen de contrôler l'Evolution grâce aux manipulations génétiques...

Ce film n'est bien évidemment pas le seul à s'interroger sur le biocontrôle et l’impact négatif considérable que pourrait avoir l’eugénisme sur les sociétés futures : le nombre croissant de films traitant du sujet traduit une réelle inquiétude des cinéastes, reflétant celle de la société en général. Je vous invite à visiter cette page, qui vous présentera de manière exhaustive les films traitant de la même thématique.