La pensée eugéniste à l'origine du film


" On disait qu’un enfant conçu dans l’amour avait une plus grande chance d’être heureux. C’est une chose que l’on ne dit plus. Je ne comprendrai jamais ce qui a poussé ma mère a placer sa confiance dans les mains de Dieu plutôt que dans celles de son généticien local.
10 doigts, 10 orteils, c’est tout ce qui importait autrefois. Plus maintenant. "

Voici ici une histoire de la pensée eugéniste. Force est de constater que cette pensée n'a pas disparu aujourd'hui, bien au contraire, puisque l'eugénisme séduit de plus en plus les scientifiques, mais aussi le peuple, pour tous les services qu'il pourrait rendre en matière de santé notamment avec la suppression des maladies génétiques. 
C'est de cette pensée eugéniste que s'inspire le film Bienvenue à Gattaca, et nous verrons ensuite que ce film ne sera peut-être plus pour longtemps de la science-fiction, au regard de la mise en place de certaines pratiques et certaines lois dans notre pays, et plus encore dans certains pays étrangers....

Les origines de l'eugénisme : la peur de la dégénérescence comme moteur

L'eugénisme s’appuie sur la croyance que les capacités et les aptitudes humaines sont déterminées par des caractères biologiques transmissibles. L'étymologie du mot signifie « bien naître ». Ce néologisme a été utilisé pour la première fois en 1883 par le britannique Francis Galton.

Pour le philosophe Jean-Paul Thomas, « l’eugénisme [...] est habité par l’obsession de la décadence ».

Durant la Révolution industrielle, qui initie un mouvement d'urbanisation et de prolétarisation de la population la plus pauvre, la prolifération désordonnée des classes laborieuses constitue un motif d’inquiétude profond pour les élites. Les maux sociaux et sanitaires qui se multiplient dans le Royaume apparaissent comme autant de manifestations de la contamination de l’espèce humaine par les tares congénitales véhiculées par les populations les plus pauvres. La différence de fécondité entre classes attire particulièrement l’attention des scientifiques britanniques et selon eux, les individus les plus pauvres, conçus comme naturellement inférieurs, leur semblent devoir irrémédiablement submerger les représentants des classes sociales aisées qui cumulent les caractéristiques physiques, intellectuelles et morales les plus hautes.

Mais l’eugénisme s’accorda aussi largement avec le dégoût envers le désordre, la saleté et la matérialité organique qui accompagna le développement des courants hygiénistes dans les sociétés occidentales. L’obsession pour le culte du corps parfait qui s’incarna dans la construction de stéréotypes nationaux virils constitua un des aspects de ce rapport renouvelé au corps. Le nazisme envisagea même de porter ce principe à son extrémité, en réfléchissant à une législation qui conduirait à l’élimination des prisonniers de droit commun les plus laids.

Les travaux de Francis Galton

Toute l’ambition de Galton sera de découvrir les moyens d’améliorer la « race humaine » sur le modèle de l’élevage animal.
A l’époque, la connaissance des lois de l’hérédité n’est basée que sur l’expérience des agriculteurs dans la sélection de leurs variétés animales et végétales.  
Dès 1869, il lui paraît « tout à fait possible de produire une race humaine surdouée par des mariages judicieux pendant plusieurs générations consécutives ».

À la fin des années 1850, la lecture de L'Origine des espèces de son cousin Charles Darwin renforce sa conviction sélectionniste et il lui paraît nécessaire de maintenir les lignées des grands hommes de la nation par une organisation rationnelle des mariages, c'est ce qu'il appelle alors la « viriculture ». En 1883, dans Inquiries into human faculty and its development, la viriculture y devient l’eugénisme que Galton considère comme la « science de l’amélioration des lignées » et qu’il entend appliquer aux êtres humains sur le modèle de l'élevage sélectif des animaux.


Pour Galton, la préservation des qualités des familles de bonne lignée nécessite d’éviter le mélange des sangs, qui ne peut conduire qu’à la disparition des caractères les plus hauts de la race humaine. Cette représentation du monde le conduit à traduire les différences sociales sur un strict plan biologique. L’élite de la société britannique correspond pour lui aux professions libérales, aux vieilles familles de l’aristocratie terrienne et aux hommes de science.


Malgré une méthode de travail innovante, les résultats de Galton furent minces et en 1892, il reconnaît que « le grand problème de l’amélioration de la race humaine n’a pas pour l’instant dépassé le stade de l’intérêt académique ».


L’eugénisme galtonien apparaît ainsi comme une théorie défensive qui vise à protéger un groupe social défini contre une menace qui n'a pas encore lieu. Ainsi, sous couvert d’une apparente scientificité, elle revient en effet à préserver le maintien de l’ordre social en exigeant une stricte limitation des unions entre les individus d’origines sociales différentes.


L'évolution de la pensée eugéniste au cours des décennies

Le succès de l'eugénisme
Une part du succès de l’eugénisme tient aux liens étroits qu’il entretient avec les principaux courants idéologiques de la fin du XIXe siècle : l'évolutionnisme, le malthusianisme, le darwinisme social ou le racisme trouveront tous à s’articuler autour de l’eugénisme. 
Comme l’ensemble de ces idéologies, l’eugénisme tire sa légitimité des rapports qu’il entretient avec la science. Il peut ainsi être considéré comme une « idéologie scientifique » et s’appuie sur une science instituée dont il utilise le prestige pour légitimer un projet politique. 
Le projet eugéniste participe ainsi à la construction de l’image que la science de la fin du XIXe siècle se fait d’elle-même et qu’elle veut refléter aux yeux du reste de la société : l’eugénisme figure aux côtés de la vaccination ou de l'électricité au nombre des bienfaits que la science entend offrir à l’humanité. La génétique naissante et encore mal assurée y trouve la clé de voûte de son projet de recherche et de sa justification idéologique.

La naissance du mouvement eugéniste
Loin de se cantonner à un petit cercle de croyants ou de scientifiques marginaux, la doctrine eugéniste s’est progressivement répandue dans le grand public. Au début du XXe siècle, le mot « eugénisme » devint d’usage courant (on parlait ainsi de « mariage eugénique ») et les manifestations et rassemblements visant à promouvoir la doctrine rencontrèrent de larges échos. Galton lui-même fut anobli en 1909 et reçut en 1910 la très prestigieuse médaille Copley décernée par la Royal Society. Il est le premier organisateur d’un mouvement qui devint rapidement international. En 1912, se tint ainsi à Londres le Ier congrès international d’eugénisme dont le discours d’ouverture fut assuré par l’ancien Premier ministre Arthur Balfour.
Le mouvement eugénistes hésita, à l’image de Galton, entre deux alternatives : l’intervention de l'État et l’éducation des masses. Galton pensait originellement que le programme eugéniste devait s’appuyer sur la libre volonté des personnes et que seul l’inculcation d’un « mode de pensée » eugéniste pouvait avoir des effets durables. Il s’agissait d’ancrer dans les esprits une nouvelle manière de voir le monde qui devait mettre l’eugéniste au premier rang des préoccupations humaines. 

Plus tardivement, la position de Galton et celle d’une grande partie des eugénistes conservateurs évolua. L’intervention de l’État, concernant notamment les cas considérés comme les plus graves, devint une de leurs principales revendications. Même ceux qui, se réclamant du darwinisme social, se refusaient à voir l’État intervenir dans la vie sociale et économique estimèrent indispensable de s’écarter sur ce point de la doctrine du « laissez-faire » pour adopter des mesures de « sélection artificielle »